dimanche 31 décembre 2006

Les allumeurs de l'enfer

LES ALLUMEURS DE L’ENFER
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D’un sommeil de centaines de siècles ils sont venus
Ce sont les Sept Dormants
du fond de leur grotte ils sont venus


Ensevelis sous les siècles, dans les oubliettes de l’histoire
ils étaient cachés ; ils en sont venus

Ils sont la résurrection des ossements
qui gisaient dans les recoins sombres et aveugles
Du vieux cimetière des temps ils sont venus

Ils sont la pierre et la boue méprisables de Sodome détruite ;
ressuscités, du plus profond des décombres ils sont venus

Au moment du Déluge, ils furent chassés de l’arche de Noé
Aujourd’hui, comme créanciers du Timonier ils sont venus

C’est de la fausse monnaie de Decius,
l’argent qu’ils ont dans les mains
C’est pour acheter l’héritage de l’Homme qu’ils sont venus

Ils sont des broussailles, des chardons stériles
C’est en flairant ici les jardins sous lesquels coulent les ruisseaux qu’ils sont venus

Flanqués des accapareurs de bois de chauffe,
allumeurs de l’enfer,
Pour empêcher la vie de pousser,
la hache à la main,
dans la forêt ils sont venus

Contre toute source d’où jaillit un symbole de gaieté et d’amour
Telle une flamme, c’est en pyromanes de l’être qu’ils sont venus

Sur leurs lèvres le nom de Dieu est le message de la mort
Avec la potence et les commandements de l’omnipotence
ils sont venus

Ils sont abusés par l’ogre de l’Anti-Iran,
et c’est pour cela que,
bien qu’Iraniens,
en Mongols ils sont venus

Puisque déterminisme et dogmatisme les emprisonnent
Ils sont dépourvus de volonté,
même si c’est en prétendant jouir du libre-arbitre qu’ils sont venus

Ils sont soldats féroces de l’ignorance et de la tyrannie
C’est pour combattre la raison et la liberté qu’ils sont venus

Face à eux, rameau d’olivier au bec,
des cohortes de colombes amoureuses sont venues

Elles sont le chant de lumière qui s’élève sur les sommets du monde
C’est pour nier les fondements mêmes des ténèbres
qu’elles sont venues


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Mohammad Djalali (M. Sahar)
Traduit du persan par l’auteur, Éric Meyleuc et Pedro Vianna


Version persane:
http://msahar.blogspot.com/2006/12/blog-post_09.html

samedi 30 décembre 2006

ô terre ne tremble pas

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Ô TERRE, NE TREMBLE PAS

en souvenir de ceux qui sont partis
et pour les rescapés du tremblement de terre de Bam

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Ton air m’a élevé ; ô terre, ne tremble pas

Depuis longtemps je suis ton intime ; ô terre, ne tremble pas
Ma maison s’effondre dans ta secousse
je suis ruiné par tes secousses ; ô terre, ne tremble pas


N’emporte pas avec toi vers la gueule de la mort ni l’enfant ni la mère ni l’ancêtre ni le père
tu m’en obligeras ; ô terre, ne tremble pas.


Si c’est la main facétieuse de dieu qui tient ton levier
je désespère de ton dieu ; ô terre, ne tremble pas


Même sans tes secousses l’univers est déjà un champ d’injustices
Pour autant que je suis à l’abri de ton injustice ; ô terre, ne tremble pas


Ô toi, sphère de terre, d’existences, de cris, d’amour, de douleur
Depuis toujours je te porte en moi ; ô terre, ne tremble pas


Dans ton giron, ô toi, mon berceau, ô toi ma mère, ô toi ma patrie
ma voix est éteinte et je suis ta voix ; ô terre, ne tremble pas


Eh ! Oh ! Terre, ne tremble pas car mon être tremble
C’est comme si j’étais à ta place ; ô terre, ne tremble pas


C’est mon âme que tu emportes vers la ruine
Bam est mon foyer et ma demeure, ô terre, ne tremble pas


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Mohammad Djalali (M. Sahar)
traduit du persan par l’auteur , Éric Meyleuc et Pedro Vianna
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Version persane:
http://msahar.blogspot.com/2006/12/blog-post_3195.html

sans ou ni quand

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SANS OÙ NI QUAND




Je suis celui privé de temps
dans un espace qui ne m’appartient pas
Je suis un
passant-par-où
dans un où
qui ne m’appartient pas
Par où passai-je
pour que le quand
se fût perdu dans le où ?
Qu’il est vain de chercher le quand
dans un où
qui ne m’appartient pas
Qu’il est éloigné ce dieu auquel j’appartiens
Quelle terreur dans les trompettes de ce dieu qui ne m’appartient pas
Comme un poing chargé de cendre,
le poids de la dépendance m’assassine
Car,
à chaque instant,
j’inspire un air qui ne m’appartient pas
Quelqu’un au fin fond de moi
m’appelle à chaque instant
D’une voix qui est en moi,
mais qui ne m’appartient pas.




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Mohammad Djalali (M. Sahar)
Traduit du persan par l’auteur, Éric Meyleuc et Pedro Vianna


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Version persane:
http://msahar.blogspot.com/2006/12/blog-post_22.html

Ahmad Shah Massoud



pour le Brave du Panshir, Ahmed Chah Massoud

qui était l’incarnation de la lutte contre les ténèbres

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Notre époque n’était pas à l’unisson de ton esprit ardent.
Et pourtant, nul cyprès dressé le long du fleuve du temps ne t’égalait.



Toi, honneur des braves de notre temps,
Dieu est témoin qu’en ce temps nul ne te ressemblait.



Nul instant ne s’écoulait, ô toi, flamme des hivers,
Sans que ton cœur vaillant pensât au printemps.



Hurlons ! Car le tournoiement du temps suit l’orbite des ténèbres.
Et pourtant, nul ne portait comme toi le flambeau autour du cercle du temps.



Le monde aurait pu être un jardin de roses aussi élevé que tes desseins.
Et pourtant, la terre était ravagée par le fléau de la bassesse.



Et pourtant, le simoun, pyromane de l’enfer, faisait fondre la nature
Et, voyageur inlassable, traversait tes contrées.



Et pourtant, au nom de Dieu, Bamyan et Kaboul et Balkh,
Comme Kandahar, étaient la proie du loup enragé.



Ô toi, Rostam, toi, Abou Moslem, toi, Yakoub,
Ton martyre ne nous surprit nullement.



La pensée messagère traversa les montagnes de l’Hindoukouch,
Où nulle plante, où nulle fleur n’avait oublié de revêtir le deuil.



Aux plus hauts sommets de l’honneur, nulle tulipe radieuse
Ne manquait d’arborer la brûlure de la présence de ton absence.



Gloire à ton art ! Sur ta monture, tu traversas les tourments de notre temps.
Et pourtant, nul grain de poussière ne souilla ta cape.


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Mohammad Djalali (M. Sahar)
traduit du persan par l’auteur et Pedro Vianna
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Version persane:

vendredi 29 décembre 2006

Tems d'exil

à Pedro Vianna


Temps d’exil



Sans aucune amertume ni haine
Laissez-moi purger ma peine

Dans la prison de mes dires
Laissez mes rêves s’évanouir

Tout en vivant hors de ce temps
Laissez mes rêves voler au vent

Ce temps plat sans harmonie
Plein d’abîmes comblé de nids

Laissez-moi sur le rivage
Faire ma maison par les mirages

Faire ma maison aux murs têtus
Pleins de portes privés d’issue

Laissez courir dans toutes mes veines
Une solitude sans oxygène

Car après tout à l’heure qu’il est
Je ne suis qu’un exilé


M.Sahar
Paris , 13.9.1994